Distribution sélective : comment se protéger contre les distributions parallèles?

Les membres d’un réseau de franchise ou de distribution sélective ont, on l’a vu, le droit de vendre en ligne. Mais qu’en est-il du promoteur de ce réseau ? Jusqu’où peut-il aller ? Deuxième partie d’une série en quatre volets.

Comme je l’ai expliqué dans une tribune précédente (lire la tribune Vente en ligne : un droit pour les distributeurs membre d’un réseau ?), les distributeurs membres d’un réseau de distribution sélective ou de franchise sont libres de vendre en ligne. Ils doivent toutefois satisfaire à une exigence : posséder un magasin physique.

Ceci dit, que se passe-t-il lorsque le promoteur du réseau décide lui aussi de vendre sur le Web en utilisant sa marque. Les distributeurs du réseau ont-il un recours ? Et si oui, lequel. Là aussi, la juridiction nous renseigne.

Pas d’atteinte à l’exclusivité territoriale du distributeur.

Le promoteur du réseau est maître de l’organisation de son réseau et, à ce titre, il peut librement commercialiser les produits sur Internet auprès des clients.

Cette règle a été rappelée à plusieurs reprises par le Conseil de la concurrence : « la politique de concurrence mise en œuvre à l’égard des restrictions verticales depuis l’entrée en vigueur du règlement n°2790/99 du 22 décembre 1999 fait que la liberté d’organisation du mode de distribution de ses produits par un fabricant constitue un principe de base (…) (Pt 71) ».

La Cour de cassation a confirmé, le 14 mars 2006 , que cette règle ne porte pas atteinte à l’exclusivité territoriale accordée à un distributeur. Dans le cas d’espèce, le franchisé bénéficiait du droit exclusif d’exploiter sous la marque Le Jardin des Fleurs, un magasin situé à Marseille. Le franchiseur ayant ouvert un site Internet sous l’enseigne Le Jardin des Fleurs, le franchisé l’a assigné en violation de la garantie contractuelle d’exclusivité. Il se prévalait de l’article 7-3 du contrat aux termes duquel le franchiseur s’était engagé à « (…) pendant la durée du contrat, à ne pas autoriser l’ouverture d’autres points de vente Le Jardin des fleurs dans le territoire d’exclusivité susmentionnée, en dehors de celui du franchisé. »

La très Haute juridiction a estimé que cette clause « se bornait à garantir au franchisé l’exclusivité territoriale dans un secteur déterminé » et que « (…) la création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente dans le secteur protégé ».

La Cour de cassation a ainsi infirmé l’arrêt prononcé par la Cour d’appel de Bordeaux, le 26 février 2003 qui avait retenu que la vente sur l’Internet, bien que constituant une vente passive, portait atteinte à l’exclusivité du franchisé, sans contrepartie financière pour ce dernier et alors même qu’il contribue au fonctionnement du site par le versement au franchiseur d’une redevance communication. Il y avait, selon les juges d’appel, violation de la garantie d’exclusivité due au franchisé par le franchiseur et du règlement CE n°2790/1999.

Pas de vente « active » à destination des clients finals du distributeur. 
Le site du promoteur du réseau ne doit pas porter préjudice aux distributeurs du réseau. C’est la condition énoncée par le règlement n°2790/99 précité qui ajoute que le mode de distribution choisi ne doit pas avoir « (…) pour objet ou pour effet d’affecter le fonctionnement du marché ». A ce titre, le promoteur du réseau ne doit pas pratiquer de vente « active » à destination des clients finals des distributeurs qui bénéficient d’une exclusivité de fourniture ou d’une exclusivité territoriale.

Il faut se reporter aux lignes directrices sur les restrictions verticales aux fins d’interprétation du règlement CE n°2790/1999 pour tenter de cerner la notion de « vente passive ».

La vente « active » consiste ainsi à mettre en oeuvre des moyens promotionnels tels que « un message non sollicité, transmis par courrier électronique à des clients individuels ou à un groupe de clientèle déterminé » ou encore un site Internet « clairement conçu de manière à atteindre en premier lieu des clients se trouvant à l’intérieur d’un territoire ou d’un groupe de clientèle exclusivement concédé à un autre distributeur, par exemple, en utilisant des bandeaux publicitaires ou des liens dans les pages de fournisseurs d’accès visant spécifiquement la clientèle concédée… (Lignes directrices, pt. 51) ».

A contrario, bien sûr, « si un client visite sur Internet le site d’un distributeur et prend contact avec ce dernier et si ce contact débouche sur une vente, et aussi une livraison, il s’agit là d’une vente passive » (Lignes directrices, pt. 51).

En d’autres termes, toute vente sur Internet constitue une vente passive, sauf à pouvoir démontrer un démarche active du vendeur.

Cette distinction entre vente active et passive est essentielle. Elle impose cependant l’analyse des différentes méthodes commerciales utilisées car ce sont les modalités de mise en oeuvre qui entraînent la qualification. L’exercice n’est pas simple. Pour exemple, à s’en tenir strictement à la lecture des lignes directrices, l’envoi d’un mailing devrait exiger une vérification préalable de la liste des destinataires pour vérifier qu’elle n’inclut pas des destinataires situés dans le territoire contractuel. Comment localiser tous les destinataires alors que certains auront choisi l’extension .com ?

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