Internet et la publicité : une obligation de loyauté

Pour la loi, la publicité en ligne doit être non seulement clairement identifiable, mais aussi loyale. Mais qu’entend-t-on par pratiques commerciales déloyales tant au plan européen que national ?

Au plan européen

La directive-cadre no 2005/29/CE du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales, repose sur une interdiction générale, basée sur des critères communs : le manquement aux exigences de la diligence professionnelle et l’altération substantielle du comportement économique des consommateurs.

À côté de cette interdiction générale figurent deux grandes catégories de pratiques commerciales qui sont expressément interdites :

– les pratiques trompeuses : le fait d’annoncer un produit et de refuser toute commande ou de le livrer ;

– les pratiques agressives : le harcèlement, une contrainte ou une influence injustifiée sur le consommateur.

La directive-cadre dresse une liste noire des pratiques qui trompent le consommateur, que ce soit par action ou par omission (un manque de clarté dans la présentation sera assimilé à une omission) et qui poussent le consommateur à l’achat en l’induisant en erreur, par exemple, sur les caractéristiques principales du produit, telles que sa disponibilité, la date de fabrication ou de prestation, sa livraison, ou encore sur son prix.

Ces pratiques commerciales sont considérées en toutes circonstances comme déloyales et, de ce fait, sont interdites dans tous les Etats membres.

Les entreprises doivent en conséquence prendre garde de ne pas faire croire, à tort, que tel produit est en stock ou de ne pas changer, au moment de l’achat, le prix qui avait été affiché.

La directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 relative à la publicité trompeuse et comparative a pour objet de protéger les professionnels contre la publicité trompeuse et ses conséquences déloyales et d’établir les conditions dans lesquelles la publicité comparative est licite. Elle codifie les anciennes directives consacrées à la réglementation de la publicité trompeuse et de la publicité comparative mais n’apporte aucun changement majeur.

Soucieuse d’accroître la confiance des consommateurs dans le marché unique de manière à permettre à tous les citoyens de profiter pleinement de la possibilité de faire des achats dans des pays autres que le leur, la Commission européenne a adopté, le 12 décembre 2007, de nouvelles dispositions visant à renforcer les normes européennes existantes en matière de publicité trompeuse et à en fixer de nouvelles contre les pratiques commerciales agressives (harcèlement, contrainte, influence injustifiée).

La nouvelle directive comprend quatre éléments essentiels :

– une clause générale d’une grande portée qui définit les pratiques qui sont déloyales et donc interdites ;

– une définition détaillée des pratiques (actions et omissions) trompeuses et des pratiques agressives, les deux principales catégories de pratiques commerciales déloyales ;

– des protections pour les consommateurs vulnérables, sous la forme de dispositions visant à prévenir l’exploitation desdits consommateurs ;

– une liste noire détaillée de pratiques qui sont interdites dans tous les cas (ex : publicités appâts, incitations adressées directement aux enfants, allégations mensongères sur les propriétés curatives d’un produit…).

Au plan national

Le dispositif légal français protège également les consommateurs contre « toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après ; existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l’objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l’annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires » (C. consom., art. L. 121-1).

La publicité trompeuse est sanctionnée des peines maximales de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 37.500 euros. Le maximum de l’amende peut être porté à 50 p. 100 des dépenses de la publicité constituant le délit. Lorsque la responsabilité pénale de la personne morale est retenue, le taux de l’amende est multiplié par 5 (C. pén., art. 131-38).

La mauvaise foi n’est pas nécessaire à la constitution de l’infraction. L’article L. 121-5 du Code de la consommation précise que « l’annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée est responsable, à titre principal, de l’infraction commise. Si le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants. La complicité est punissable dans les conditions de droit commun. Le délit est constitué dès lors que la publicité est faite, reçue ou perçue en France. »

Encore faut-il que l’infraction ait eu lieu en France. Mais comme l’article L. 121-5 dispose que « le délit est constitué dès lors que la publicité est faite, reçue ou perçue en France », on peut considérer que le texte s’applique à toute publicité faite sur l’Internet.

La publicité comparative est encadrée par la loi du 18 janvier 1992, aujourd’hui contenue aux articles L. 121-8 à L. 121-14 du Code de la consommation, modifiée par l’ordonnance du 23 août 2001.

Le dispositif autorise la comparaison de biens ou de services « répondant aux mêmes besoins, ou ayant le même objectif », si « elle est loyale, véridique et qu’elle n’est pas de nature à induire en erreur le consommateur. »

Cependant, le respect de ces conditions n’est pas toujours compatible avec les services de comparaison des tarifs qui sont mis en ligne. Une société de grande distribution l’a appris à ses dépens, son site ayant été interdit, faute de présenter des garanties suffisantes.

Dans son ordonnance de référé du 7 juin 2006, le juge a ordonné la fermeture du site de comparaison de prix ‘quiestlemoinscher.com’ à raison du manque de transparence sur ses règles de fonctionnement. Il a ainsi observé que si la société « peut choisir les paramètres qui lui sont les plus favorables encore faut-il que ces paramètres soient connus dans leur détail, et donc vérifiables. Tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce où rien dans le site litigieux ne permet une telle vérification, même d’une façon générale. La comparaison d’un nombre limité de produits, de surcroît non identifiés, choisis en fonction de ses seuls critères par la société […] par rapport à l’offre totale, ne saurait être présentée comme objective et pertinente ».

Saisie d’une nouvelle assignation du demandeur, la même juridiction a pu constater que le site avait été modifié pour tenir compte des termes de sa précédente ordonnance. Le juge a cette fois débouté le demandeur, par ordonnance du 29 mars 2007, de sa demande sur le fondement de la publicité comparative, considérant que celle-ci était parfaitement licite au sens de l’article L. 121-8 du code de la consommation : les produits, les prix, les enseignes et leur nombre étaient vérifiables pour garantir l’objectivité et la transparence de la publicité.

Le juge a précisé à cette occasion que « le choix des paramètres et éléments de comparaison relève de la liberté économique de l’annonceur de la publicité comparative et de sa propre stratégie commerciale, dès lors que ces paramètres s’appuient sur des renseignements exacts et vérifiables. » Le demandeur a également été débouté de sa demande au titre de la publicité prétendûment mensongère, le juge estimant qu’elle n’était ni trompeuse ni de nature à induire en erreur par sa généralité, « alors qu’au contraire elle se réfère au comparateur de prix qui précise exactement ses paramètres. » C’est donc bien le manque de transparence dans les règles de fonctionnement qui est sanctionné par les juges.

Cette règle est encore illustrée par l’arrêt du 19 mars 2007 de la Cour d’appel de Nancy a sanctionné une banque pour avoir diffuser un dépliant publicitaire auprès de ses clients, contenant un graphique comparant le prix des frais de gestion appliqués par différentes banques. Les juges ont considéré que ce comparatif n’était pas objectif au sens de l’article L. 121-8 du code de la consommation, car établi à partir d’une étude tirée d’un site Internet.

De même encore, l’Association française d’épargne et de retraite (Afer) a été condamnée pour publicité comparative par jugement du 11 octobre 2007 du tribunal de grande instance de Strasbourg. Dans le cas d’espèce, l’Afer a été condamnée à verser 30.000 euros de dommages et intérêts à son concurrent, l’Agipi, pour avoir affiché, sur son site Internet, un comparatif des coûts et performances de plusieurs contrats d’assurance qui « n’a pas comparé objectivement les caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des contrats d’assurance-vie offerts en France. »

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