La vidéosurveillance dans l’entreprise : Quelles sont les lois et la jurisprudence encadrant la vidéosurveillance dans l’entreprise ? Revue de détails des dispositifs existants

La vidéosurveillance est encadrée, en France, par la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 relative à la sécurité (modifiée par la loi du 23 janvier 2006), son décret d’application n°96-926 du 17 octobre 1996 (modifié par le décret du 28 juillet 2006) et une circulaire du ministère de l’intérieur du 22 octobre 1996. 

Les prescriptions techniques des systèmes de vidéosurveillance ont été définies par arrêté du 26 septembre 2006 portant définition des normes techniques et, plus récemment, par celui du 3 août 2007 (lire l’article « Le dispositif légal de la vidéosurveillance dans les lieux publics du 07/11/2007).En marge de ce dispositif légal spécifique, il faut compter avec la loi informatique et libertés. C’est ce que rappelle la loi précitée de 1995 : « les enregistrements visuels de vidéosurveillance (…) qui sont utilisés dans des traitements automatisés ou contenus dans des fichiers structurés selon des critères permettant d’identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques, (…) sont soumis à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés » (L. 1995, art. 10-I).

C’est également ce que précise le décret d’application de 1996 qui indique, lorsque les enregistrements visuels de vidéosurveillance sont utilisés pour la constitution d’un fichier nominatif, que la demande du pétitionnaire doit être adressée à la CNIL (D. 1996, art. 5).

Ainsi, comme tout traitement de données à caractère personnel, la vidéosurveillance est assujettie aux formalités de déclaration préalable auprès de la Cnil, en précisant les raisons de la mise en place d’un tel dispositif, le descriptif technique des mesures de sécurité ainsi que les modalités d’identification des destinataires des images et le plan de situation des caméras avec l’angle d’orientation choisi et le champ de couverture.

S’il s’agit d’un procédé biométrique de reconnaissance faciale, une procédure d’autorisation ou de demande d’avis, au sens des articles 25 et 27 de la loi, doit être mise en oeuvre.

Plus généralement, le dispositif doit respecter deux principes fondamentaux : la transparence et la proportionnalité.

Principe de transparence

Ce principe est énoncé par la loi informatique et libertés qui prévoit que les employés doivent être informés de la mise en oeuvre d’un système de vidéosurveillance sur leur lieu de travail.

Un panneau doit leur signaler l’existence du dispositif, le destinataire des images captées et enregistrés et les modalités d’exercice de leur droit d’accès (l. inf. et lib, art. 39).

Ce principe est également rappelé par le Code du travail qui prévoit, s’agissant des employés, qu’ « aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat » (C. trav., art. L.121-8).

Cette règle a été rappelée par la Cour de cassation à plusieurs reprises : « si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n ‘a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés » (Cass. Soc., 20 novembre 1991 – s’agissant d’une caméra dissimulée ; Cass. Soc, 22 mai 1995 – s’agissant de la filature d’un salarié par un détective privé).

Ou encore : « L’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, l’emploi de procédé clandestin de surveillance étant toutefois exclu » (Cass. Soc., 14 mars 2000 – à propos d’un système d’écoute des conversations téléphoniques).

Lorsqu’il existe un comité d’entreprise, celui-ci doit être « (…) informé et consulté préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d’avoir des conséquences sur (…) les conditions de travail du personnel. (…). Les membres du comité reçoivent, un mois avant la réunion, des éléments d’information sur ces projets et leurs conséquences quant aux points mentionnés ci-dessus » (C. trav., art. L.432-2 al. 1er).

En présence d’un dispositif de contrôle par cybersurveillance, il est également prévu que le comité d’entreprise doit être « informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés » C. trav., art. L.432-2-1 al. 3).

La Cour de cassation a eu l’occasion de sanctionner l’absence de consultation du Comité d’entreprise en application de l’article L.432-2-1, quand bien même il ne pouvait être sérieusement contesté que les salariés ignoraient la présence de caméras puisque celles-ci étaient utilisées depuis longtemps et des affichettes mentionnaient leur présence. (Cass. Soc., 7 juin 2006).

L’information à fournir au Comité d’entreprise doit être précise et écrite (C. trav., art. l.431-5, l’avis exprimé par le Comité d’entreprise est purement consultatif et ne lie pas l’employeur.

Principe de proportionnalité

La loi informatique et libertés prévoit également que la visualisation des images doit être restreinte aux seuls destinataires habilités. Quant à la durée de conservation, elle doit être limitée à quelques jours, conformément aux préconisations de la Cnil, au maximum à une durée d’un mois.

On retrouve ce principe de proportionnalité dans le Code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (C. trav., art. L.120-2).

L’employeur doit en effet justifier le contrôle qu’il exerce sur ses employés par un intérêt légitime (tels que l’exigence d’une sécurité renforcée, le risque particulier de vol, la surveillance d’un poste de travail dangereux…).

En effet, dès 1980, le ministère du travail français indiquait que, si le but de la vidéosurveillance n’est autre que le contrôle de l’activité professionnelle des salariés, celle-ci sera considérée comme contraire à la liberté individuelle des personnes par les tribunaux (Rép. Min., JOANQ 16 juin 1980, p. 2152).

Non respect des principes de transparence et de proportionnalité

L’enjeu principal des principes de transparence et de proportionnalité réside dans la licéité de la preuve « vidéo » produite, notamment aux fins de justification du licenciement d’un employé.

C’est ce qu’a eu l’occasion de rappeler la Cour de cassation : « Si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite » (Cass. Soc., 20 nov. 1991).

Il s’agissait, dans le cas d’espèce, du licenciement d’une employée d’un magasin pour faute grave fondé sur un enregistrement produit au moyen d’une caméra dissimulée dans la caisse de l’intéressée.

Cependant, la Haute juridiction en matière pénale a également rappelé qu’« aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale (…) il leur appartient seulement (…) d’en apprécier la valeur probante » (Cass. Crim., 6 avril 1994).

Par ailleurs, la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance, en violation des principes énoncés, peut constituer une atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée d’autrui « en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».

Elle expose à des peines de prison (un an) et d’amende (45.000 €) (CP, art. 226-1). Tel pourrait être le cas d’un système plaçant une personne ou un groupe déterminé de personnes sous la surveillance constante et permanente des caméras (sauf justification spécifique) ou encore d’un système installé à l’insu des employés ou de façon non visible (caméra miniature), voire encore dans un lieu susceptible de porter atteinte à l’intimité de la vie privée (vestiaires, douches, toilettes) ou de façon à enregistrer spécifiquement les allées et venues des personnes se rendant dans un local syndical.

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