Le rôle du Centre français d’exploitation du droit de copie

L’histoire du droit d’auteur s’écrit au rythme des évolutions technologiques. Avec l’invention de nouveaux moyens de reproduction et de diffusion des œuvres de l’esprit, les titulaires de droits d’auteur se trouvent régulièrement confrontés à de nouvelles formes d’exploitation de leurs œuvres qu’ils n’avaient pas anticipées. Il en résulte de nouveaux usages que les tribunaux doivent alors réguler à la lumière de textes parfois inadaptés. Il s’en suit presque infailliblement une intervention législative.

Le droit dit « de reprographie » n’a pas dérogé à cette règle.

La problématique de la reprographie

Une problématique nouvelle d’exploitation des œuvres imprimées est apparue au milieu des années 80 lorsque la photocopie s’est généralisée dans les entreprises, les administrations, les écoles et universités et que les commerces permettant la réalisation de photocopies en libre service se sont multipliés. Livres, revues, presse écrite, ouvrages scientifiques, etc. devenaient facilement reproductibles, par extraits ou intégralement, pour un coût modeste. Cette facilité qui s’offrait à tout un chacun de reproduire des documents écrits sans devoir en acquérir un exemplaire original ne pouvait que constituer un manque à gagner important pour les ayants-droit : auteurs et éditeurs.

La question fondamentale était de savoir si les copies réalisées à l’aide de ces appareils pouvaient bénéficier de l’exception dite de « copie privée ».

Depuis son origine, notre législation sur le droit d’auteur – aujourd’hui contenue dans le Code de la propriété intellectuelle (CPI) – prévoit que lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective (art. L.122-5).

Il résulte de ce texte que la personne qui réalise, au moyen d’un appareil de reproduction (photocopieur, scanner, etc.), la copie d’une œuvre écrite ne peut se voir accuser de contrefaçon, à la condition cependant que l’usage qu’elle fera de la copie ainsi réalisée reste strictement privé.

Mais ce qui est vrai pour la personne « utilisatrice finale » de la copie, ne l’est pas forcément pour la personne qui met à disposition les appareils de reproduction. On prendra pour illustration de cette distinction la célèbre affaire dite « Rannou-Graphie ». Par une décision du 7 mars 1984, la Cour de cassation a confirmé qu’une officine dont l’activité était de mettre à disposition des photocopieurs en libre service pour permettre à ses clients, contre rémunération, d’effectuer des photocopies, devait être considérée comme copiste, même si la copie était concrètement réalisée par le client lui-même.

Il en résultait que l’entreprise, étant elle-même copiste, ne pouvait bénéficier de l’exception de copie privée précitée car il ne fait alors aucun doute que les copies réalisées par l’entreprise, prise en sa qualité de copiste, ne l’étaient pas pour son usage privée. Les officines de photocopies, par le jeu de cette décision, devenaient donc toutes contrefactrices en puissance des œuvres de l’esprit que leurs clients choisiraient de venir photocopier chez elles.

Cette solution, qui n’allait pas nécessairement de soi, était rendue par la Cour de cassation dans un but évident et légitime de protection des intérêts des auteurs. Mais elle ne pouvait donner satisfaction notamment parce que les institutions de recherche et d’enseignement étaient de grosses consommatrices de photocopies d’œuvres imprimées, pour des raisons tout autant légitimes que sont l’éducation et la diffusion du savoir.

Une intervention législative était donc nécessaire.

La loi du 3 janvier 1995

C’est la loi du 3 janvier 1995 relative à la gestion collective du droit de reproduction par reprographie qui est venue apporter une solution.

Créé par cette loi, le nouvel article L. 122-10 du CPI définit la reprographie comme « la reproduction sous forme de copie sur papier ou support assimilé par une technique photographique ou d’effet équivalent permettant une lecture directe ».

La loi a ensuite créé un mécanisme original et inédit « d’expropriation » des auteurs de leur droit de reprographie au bénéfice d’une société de gestion collective. Le même article prévoit, en effet, que « la publication d’une œuvre  emporte cession du droit de reproduction par reprographie » à une société de gestion collective agréée.

Cette disposition ne fait évidemment pas obstacle au droit de l’auteur ou de ses ayants-droit d’exploiter et de vendre eux-mêmes des exemplaires de leurs œuvres. Elle implique uniquement que toute personne qui publie un livre, un article, une revue, etc. donne mandat, automatiquement et sans formalité, à une société de gestion collective agréée d’autoriser les tiers à reproduire ses œuvres par reprographie pour les besoins de leurs activités.

La gestion du droit de reprographie par le CFC

La seule société agréée par le Ministère de la Culture et de la Communication dans ce domaine est le Centre français du droit de copie (CFC). Il assure un rôle d’intermédiaire entre les ayants-droit (auteurs et éditeurs) et les entreprises ou administrations recourant à la reprographie.

Cessionnaire du droit de reprographie, par l’effet de l’article L.122-10, le CFC est seul habilité à autoriser, par contrat, les entreprises et administrations à réaliser des reprographies d’œuvres protégées ou mettre à disposition de leurs membres ou de tiers des moyens de reprographies. En contrepartie, celles-ci devront acquitter des redevances correspondant aux utilisations qu’elles effectuent.

Le CFC a élaboré différentes conditions contractuelles et tarifaires applicables en fonction de la typologie des utilisateurs et des usages envisagés : copies pédagogiques réalisées dans les établissements d’enseignement ; copies pédagogiques réalisées pour des actions de formation ; copies professionnelles réalisées dans les organisations (panoramas de presse, bases de données documentaires…) ; copies professionnelles réalisées dans le cadre d’un centre de documentation.

Bien évidemment, si votre organisation ne tombe dans aucun de ces cas de figure, il faudrait convenir avec le CFC d’une autorisation adaptée à l’usage souhaité.

Ces contrats prévoient tous des limites à l’autorisation de reprographie conférée qui doivent être respectées par le signataire. A titre d’exemple, le contrat autorisant les entreprises à réaliser pour leurs personnels des « panoramas de presse » interdit de réaliser des reproductions de plus 20% du contenu d’une même publication de presse.


Quid du numérique ?

 Le législateur de 1995 n’a confié au CFC que le droit de reprographie entendu comme « la reproduction sous forme de copie sur papier ou support assimilé par une technique photographique ou d’effet équivalent permettant une lecture directe ».

Il est dorénavant admis que cette définition comprend la reproduction par impression après numérisation par scanner à condition que le fichier numérique généré ne fasse l’objet que d’un stockage technique temporaire nécessaire à la production directe de la copie papier. L’utilisation des copieurs de nouvelles générations, qui se sont éloignés des techniques photographiques, est donc soumise aux règles qui viennent d’être présentées.

Mais qu’en est-il lorsque la numérisation n’a pas vocation à être une simple étape avant impression, mais est au contraire destinée à la réalisation de copies numériques d’œuvres écrites, stockées et diffusées sous cette forme ?

La loi de 1995 n’avait pas anticipé cette évolution technique et le Code de la propriété intellectuelle n’a pas été révisé depuis sur cet aspect.

L’organisme qui, aujourd’hui, réalise de telles copies numériques d’œuvres imprimées, se trouve dans la même situation que la société Rannou-Graphie en 1984 et encourt donc le même grief de contrefaçon.

Cependant, le CFC ne tirant pas de compétence légale en la matière, a étendu son rôle par le biais d’accords avec les ayants-droit. Le CFC gère ainsi aujourd’hui les droits de reproduction et représentation numérique de plus de 800 éditeurs. Au titre de ces mandats, le CFC, comme pour la reprographie traditionnelle, peut autoriser toute organisation à numériser des œuvres imprimées à des fins par exemple, de panorama de presse, d’enseignement, etc.

Mais il existe parfois des différences subtiles dans la nature du mandat confié par un éditeur au CFC. Ainsi, en fonction des publications, le nombre maximum d’articles dont la reproduction est autorisée par numéro pourra varier, la reproduction des infographies et photographies pourra être permise ou non, etc.

Un inventaire précis des besoins et des usages de l’organisme est à réaliser afin d’obtenir du CFC, ou directement des ayants-droit, les autorisations nécessaires et proscrire les usages qui les dépasseraient.

A retenir

Toute reproduction d’une œuvre imprimée, par des moyens de reprographie ou de numérisation, même pour des usages internes de l’entreprise ou de l’administration, est une contrefaçon si elle n’est pas autorisée par les titulaires de droits. En matière de reprographie, le Centre Français d’exploitation du droit de Copie est habilité par la loi à délivrer les autorisations nécessaires. Il a également été mandaté par de nombreux éditeurs pour gérer leurs droits de reproduction numérique.

Droit applicable

Article L122-10 CPI : La publication d’une œuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à une société régie […] et agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture. Les sociétés agréées peuvent seules conclure toute convention avec les utilisateurs aux fins de gestion du droit ainsi cédé, sous réserve, pour les stipulations autorisant les copies aux fins de vente, de location, de publicité ou de promotion, de l’accord de l’auteur ou de ses ayants droit. A défaut de désignation par l’auteur ou son ayant droit à la date de la publication de l’œuvre, une des sociétés agréées est réputée cessionnaire de ce droit. […]

Article L335-2 CPI : Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. […]

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