Quelles sont les conditions d’accès aux messages, fichiers et connexions de l’employé ?

Le principe de l’inviolabilité des correspondances interdit à l’employeur de prendre connaissance des messages personnels émis et reçus par ses employés. Mais, sauf indication contraire, ces messages ont nécessairement un caractère professionnel…

Toute violation du principe de l’inviolabilité des correspondances constitue l’infraction visée par l’article 226-15 du Code pénal : « Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions ».

Plusieurs décisions rappellent ainsi l’interdiction faite à l’employeur de prendre connaissance des messages personnels émis et reçus par ses employés. L’arrêt Nikon précise ainsi que « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Cass., 2 oct. 2001).

Dans cette affaire, l’employeur avait découvert que son employé entretenait une activité parallèle qu’il développait pendant ses heures de travail et à partir de son poste informatique mis à sa disposition par l’entreprise qui l’employait. Les juges ont considéré que les éléments de preuve collectés dans la messagerie de l’employé avaient été obtenus de façon illicite et, à ce titre, les ont écartés des débats.

Plus récemment, la Cour de cassation a approuvé un arrêt de la cour d’appel qui, relevant le caractère privé du courrier électronique adressé par l’employé à l’un de ses collègues de travail, en a déduit que cet élément de la vie personnelle de l’intéressé ne pouvait pas constituer un motif de licenciement (Soc., 6 juin 2007).

Le principe de l’inviolabilité de la correspondance s’applique également aux employés. C’est sur ce fondement qu’a été sanctionné le comportement de l’employé qui avait tenté, sans motif légitime et par emprunt du mot de passe d’un autre employé, de se connecter sur le poste informatique du directeur de la société (Soc., 21 déc. 2006).

Cela étant, comme le précise la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL), « il doit être généralement considéré qu’un message envoyé ou reçu depuis le poste du travail mis à disposition par l’entreprise ou l’administration revêt un caractère professionnel, sauf indication manifeste dans l’objet du message ou dans le nom du répertoire où il pourrait avoir été archivé par son destinataire qui lui conférerait alors le caractère et la nature d’une correspondance privée protégée par le secret des correspondances » (Cnil, Guide pratique pour les employeurs).

C’est le raisonnement qui a été suivi par les juges de la cour d’appel de Bordeaux qui ont retenu que « les dossiers et fichiers présents sur l’ordinateur des salariés, ou encore les documents qu’ils détiennent dans leur bureau, ont nécessairement un caractère professionnel quand ils ne les ont pas identifiés comme personnels. Il en résulte que l’employeur a légitimement accès à ces dossiers, fichiers ou documents professionnels, sans qu’il soit nécessaire que le salarié concerné soit présent. Par conséquent, les ordinateurs des salariés sont accessibles par l’employeur. Donc, (l’employeur) pouvait en toute légalité avoir accès à l’ordinateur de (l’employée). En l’absence de mention particulière apportée (par l’employée) aux mails qu’elle a envoyés de son ordinateur professionnel […], (l’employeur) est en droit de les produire en justice. En conséquence, l’existence des mails est reconnue et les faits sont donc bien établis » (CA Bordeaux, 8 févr. 2005).

De ce qui précède, on retiendra qu’il appartient à l’employé d’identifier de manière expresse les messages et fichiers à caractère personnel. A défaut, ils sont présumés professionnels. Cette distinction est importante puisqu’elle détermine les conditions dans lesquelles l’employeur peut accéder aux messages, fichiers et connexions de l’employé.
S’agissant de « dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail (…) présumés (…) avoir un caractère professionnel », la Cour de cassation précise que l’employeur « peut y avoir accès hors (la) présence (de l’employé) » (Soc. 18 oct. 2006 ).
S’agissant des messages et fichiers personnels, la Haute juridiction invite à rechercher s’il existe un « risque ou évènement particulier » (Soc., 17 mai 2005). Dans cette dernière affaire, elle a considéré que ne constituait pas un « risque ou évènement particulier » la découverte, par l’employeur, de photos érotiques dans les tiroirs du bureau de son employé.

Par conséquent, l’employeur ne pouvait décider, suite à cette découverte, d’investiguer le disque dur de l’ordinateur professionnel de l’employé en consultant un fichier dénommé « perso », regroupant pourtant des documents étrangers à ses fonctions, hors la présence du salarié. Il était tenu de l’inviter à assister à cette ouverture préalablement.

Cependant, dans une autre affaire, elle a confirmé la décision prise en référé d’autoriser un huissier de justice à accéder à des fichiers sur le poste d’une employée aux motifs que « l’employeur avait des raisons légitimes et sérieuses de craindre que l’ordinateur mis à la disposition de la salariée avait été utilisé pour favoriser des actes de concurrence déloyale» (Soc., 10 juin 2008).

Dans le même sens, la cour d’appel de Besançon a considéré que la violation du secret de la correspondance privée ne pouvait être invoquée contre l’employeur qui n’a pas directement accédé aux fichiers en cause (à caractère pornographique), leur ouverture et leur lecture ayant été effectuées par un expert judiciaire missionné par le conseil de prud’hommes en présence des parties ou de leurs conseils (CA Besançon, 24 sept. 2004).
Cependant, quelques décisions rappellent que la règle de l’inviolabilité s’applique en toutes circonstances, même lorsque l’objet du message ou du fichier n’est pas explicite, à charge pour l’employeur de vérifier les éléments susceptibles de conférer audit message un caractère manifestement personnel (tel serait le cas d’un message dont l’objet concerne les vacances et qui est classé dans un dossier portant la mention « personnel ») (CA, 4ème ch. soc., 6 févr. 2003).

Aussi est-il prudent de clarifier, notamment au moyen d’une charte, les règles applicables, comme le confirme un jugement du 15 septembre 2005 du Conseil des prud’hommes de Nanterre. Dans cette affaire, un salarié, qui faisait parvenir de nombreux messages à une société concurrente, avait été licencié pour faute grave.

Les conseillers ont considéré que, bien que comportant la mention « message strictement privé et confidentiel », il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande du requérant qui sollicitait la déclaration d’un licenciement privé de cause réelle et sérieuse, au motif que la « charte des moyens de communication », mise en place au sein de l’entreprise, complément du règlement intérieur, précisait que « les messages à caractère privé doivent porter la mention PRV ». De ce fait, l’employeur était totalement libre de prendre connaissance de tout message ne comportant pas une telle mention.

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